https://scholar.google.com/scholar?q=genevieve+honegger
C’est dans le cadre de la section musicale du Groupe de mai que Francis Poulenc fait son entrée à Strasbourg comme mélodiste. Fondée en 1924 par Suzanne Chevaillier, violoniste et par Lucien Chevaillier 1, professeur d’harmonie et d’histoire de la musique au Conservatoire, cette association organise pendant deux ans une série de concerts de musique de chambre contemporaine très éclectiques, où sont invités notamment Ravel, Honegger, Milhaud, Roussel et Prokofiev.
Le Bestiaire de Poulenc y est chanté par Maryse Dietz 2 lors du concert inaugural, le 14 mars 1924, aux côtés d’œuvres de Germaine Tailleferre, Arthur Honegger et Darius Milhaud, « très fiers auteurs qui se flattent de faire de l’art pour l’art et se soucient de l’opinion du public comme de leur première fausse note ». […]
En 1930, Fritz Münch, directeur du Chœur de Saint-Guillaume depuis 1924, succède à Guy Ropartz à la tête du Conservatoire. Il assure par ailleurs la direction de deux concerts de l’Orchestre municipal dans la saison d’abonnement. Celui qui va révéler tous les oratorios de Honegger à Strasbourg programme d’emblée, le 19 février 1930, deux premières auditions : Pulcinella de Stravinski et le Concert champêtre de Francis Poulenc, avec Wanda Landowska au clavier. Cette dernière avait prêté son concours en juin 1928 aux Fêtes organisées à la mémoire d’Ernest Münch, en donnant un récital Bach et participant à l’exécution de L’Art de la fugue : une rencontre avec le fils d’Ernest qui pourrait être à l’origine du choix de la partition de Poulenc. […]
Dès 1931, les Amis du Conservatoire offrent des concerts festivals de musique contemporaine, donnés systématiquement avec le concours des compositeurs. Francis Poulenc est le premier invité en février 1932, l’un des plus doués et des plus inspirés de nos musiciens, écrit Henri Weill. « La clarté de la ligne mélodique, le parfait équilibre de sa pâte orchestrale, son style, la finesse de son architecture, son esprit, tout concourt à le placer au rang de ceux qui honorent la musique française.» 3 […]
Mais l’événement sera la création du Stabat Mater 4 par Geneviève Moizan, le Chœur de Saint-Guillaume et l’Orchestre municipal dirigés par Fritz Münch, le 13 juin 1951. […] Poulenc écrit à Darius Milhaud le 6 mars : «Je reste à Paris tout avril pour achever l’orchestration de mon Stabat qu’on donnera le 13 juin à Strasbourg. Je cache cette œuvre à tout le monde pour voir leurs trombines quand ils entendront ces 45 minutes de chœur et grand orchestre que Bernac considère comme ma meilleure œuvre. Me méfiant des moutons à 5 pattes […], j’ai choisi la chorale de Saint-Guillaume, l’Orchestre de Strasbourg et Fritz Munch ; dès maintenant, ils travaillent dans une atmosphère de foi comme jadis de Vocht pour les Euménides.» 5
Le public et la presse sont au même diapason. « Le Stabat vient de rencontrer un succès triomphal, écrit René Dumesnil dans Le Monde, et l’on peut gager qu’il fera de même le tour de l’Europe.» 6
Fritz Munch et son chœur sont invités à Paris en mai 1952 pour une seconde audition avec l’Orchestre Lamoureux, en ouverture des festivités de « L’œuvre du 20e siècle », organisées par Nicolas Nabokov.
Il faudra attendre 2009 pour que la phalange reprenne, sous la direction d’Erwin List, la déploration mariale étrangère à la tradition protestante.
Le Festival, quant à lui, continue d’honorer un musicien très apprécié du public. Le 18 juin 1957, Jean-Pierre Rampal et le compositeur créent la Sonate pour flûte et piano, si chaleureusement applaudie qu’ils doivent bisser le mouvement central. En 1960, une fois encore et toujours avec le même succès, Poulenc est au clavier avec son vieil ami Jacques Février dans le Concerto pour deux pianos, accompagné par l’Orchestre radio-symphonique sous la direction de Charles Bruck. Deux jours auparavant, Louis Martin 7 et le même orchestre accompagnaient Isabelle Nef dans le Concert champêtre, programmé par Roland-Manuel dans son émission «Plaisir de la musique», diffusée depuis Strasbourg. L’année suivante, avec le concours de Rosanna Carteri, Georges Prêtre révèle le Gloria à la tête de l’Orchestre national et des chœurs du Théâtre de Strasbourg, quelques mois après sa création à Boston par Charles Munch : ce sera la dernière ovation de la capitale alsacienne au compositeur présent dans la salle. […]
C’est effectivement par ses œuvres vocales, au répertoire de nombreux ensembles régionaux, que Poulenc continue à vivre le plus régulièrement dans une ville où il a reçu un accueil privilégié.